Momon Maguy Chayne Sporting-Club Salonais Rugby Salon
Momon et Maguy Si loin, si proches
Puis ma sœur Nanotte est née en 1929, le 7 mars, et Estelle, le 26 Mai 1930, mais ces arrivées n’ont pas changé grand-chose à ma vie à moi. Maman travaillait un peu plus, ma petite sœur pleurait beaucoup. De la place des Poilus où nous habitions, nous avons déménagé à la Place de l’Eglise. C’était plus grand et maman ne travaillait plus dans la cuisine, elle avait un atelier avec deux grandes fenêtres et deux ouvrières. Nous avions trois chambres, mais c’était drôle car nous entrions dans la maison par la Place de l’Eglise, juste sous le clocher (J’ai toujours eu un clocher tout près, Lambesc, St Laurent et maintenant St Benoit), par un petit pont directement dans la cuisine, puis on descendait d’un étage pour aller aux chambres et à l’atelier. C’était une maison bourgeoise, la maison Guiron qui donnait directement sur la Grand Rue, mais deux étages plus bas : A la cuisine, sur la place, on était au rez-de-chaussée, mais aux chambres, sur la rue, on était au deuxième étage.
Notre vie Place de l'Eglise
J’ai tout appris pendant les cinq ans où nous sommes restés là, en particulier faire les commissions : L’épicerie de Mme Michel était en face, comme la boulangerie Clot, celle des gibassiers, et pour la boucherie, je n’avais que les grands escaliers de la place à descendre. En revenant, je m’asseyais milieu des marches pour manger un peu de viande crue, mon régal... Maman trouvait que Mme Laugier, la bouchère, pour 2.50 ou 3 francs, ne mettait guère de viande, et elle a dû s’en plaindre. Un jour, la bouchère m’a dit : « Le paquet de viande, tu n’y touches pas, mange celui du petit papier ». Elle m’avait toujours vu faire sans que je m’en doute, mais celle qu’on me donnait n’avait plus le même goût, j’avais le sentiment d’être espionnée…
Toute une vie extraordinaire se passait sur la Place de l’Eglise. D’abord, tous mes amis étaient des garçons, surtout les frères Arquier, ils étaient neuf, mais seuls trois ou quatre étaient mes copains, Yvan, Julo, Marius et Gaston, toujours le cul nu à jouer dans la rue. Le père était maçon la mère faisait des petits, les pieds près du poêle, toujours un bébé pendu au sein, à lire Confidence, ou peut-être la Veillée des Chaumières. Ils étaient tellement sales que papa avait fait un portillon pour qu’ils ne passent pas le petit pont, je revois toujours le soufre devant notre porte, car les puces étaient nos voisines aussi ! Quand Mme Arquier accouchait, le Docteur Orsini, qui était aussi le nôtre, venait à la maison : « Léa, fais chauffer l’eau et porte du linge propre, c’est le moment» et un nouveau garçon arrivait à côté.
Maguy et Jeannette
Moi, ma vie se passait, après les devoirs et les commissions, autour du Monument aux Morts. J’y ai appris à monter à vélo avec André Troussier et Polo Lacaze, sur leur vélo de garçon, une jambe sous la barre du cadre, un vrai garçon manqué, mais choyée par tous ces garçonnas. Que de robes neuves et pimpantes j’ai déchirées à la grille du monument ou contre le mur derrière l’église, à descendre sur la rampe à fond, les culottes et le dos des robes y restaient souvent, ça finissait toujours par une bonne rouste et au lit sans souper. Cela ne me gênait pas beaucoup, car manger était une corvée, j’avais un appétit d’oiseau, et puis papa et maman se disputaient souvent pendant le repas. C’était bien du goût de maman, qui tirait l’aiguille tout le jour et qui souvent devait passer payer l’ardoise !
C’est à cette époque que j’ai eu ma première trottinette, cadeau de Tonton Jo, pour un Noël, je devais avoir cinq ou six ans. Je nous revois descendre la Grand Rue, moi devant et lui derrière, il faisait froid, je me tenais fort au guidon, tonton poussait avec son pied, nous avons dû aller au moins jusqu’à St Roch. C’est un moment qui est resté hier pour moi, on riait autant l’un que l’autre, et il était si beau ! Cette trottinette, j’ai dû la garder et m’en servir au moins jusqu’à douze ans, elle a fini sous la maison, lors du bombardement de 1944, mais ça, ce sera pour plus tard.
Maman se souvenait fort bien avoir joué sur les blocs de pierre qui n'avaient pas encore été évacués