Momon Maguy Chayne Sporting-Club Salonais Rugby Salon
Momon et Maguy Si loin, si proches
Chez grand-père et grand-mère Turc, le repas de l’année, c’était le 1er janvier à midi, nous mangions l’oie engraissée elle aussi toute l’année. Mais là, l’ambiance n’était pas la même, il y avait mes trois tantes, les sœurs de mon père, Alix, Lucie et Aimée, qui m’aimaient beaucoup, bien sûr. J’étais petite mais je me souviens de ces repas, où pépé et mémé avaient dû, je m’en rends compte aujourd’hui, beaucoup travailler pour tout préparer. Mémé sortait son beau service, ses beaux verres, son argenterie, nappes et serviettes brodées, le tout éclairé par une grande suspension au globe vert, avec des franges dorées, c’était superbe. Grand-mère découpait l’oie, tout le monde était gai, le vin coulait, je m’en souviens, j’étais la seule enfant, toujours sur les genoux de l’une de mes tantes, de maman ou de grand-mère.
Et puis, tout à coup, le ton montait, le pastis maison et le grenache de grand-père aidant, et tout finissait en bagarre générale. La faute à la politique, bien sûr : Papa et tonton Edmond de Mallemort étaient rouges-rouge, anticléricaux à fond, et tonton Louis, le seul encore en vie aujourd’hui, cul-béni, Croix de Feu, extrême-droite. Dans mes terreurs de petite-fille, il y a ces fins de repas avec les femmes qui pleurent, maman qui dit plusieurs fois « Marcel, arrête », notre retour à toutes les deux vers la maison, tandis que les trois beaux-frères sortent dans la cour de l’atelier pour s’expliquer. Mais je suis sûre que tout ça devait finir au comptoir d’un bistrot, car en ce temps-là, tout se terminait toujours au bistrot. Maman n’a jamais supporté ça, d’où des criailleries, des larmes dans ses jolis yeux plus souvent qu’il n’aurait fallu.
L’été, tous les dimanches, on allait à la mer, à Fos ou au bord de l’Etang de Berre, papa et tonton en moto ou en auto. Ces journées, qui commençaient très tôt étaient de véritables fêtes : Tonton péchait, papa plongeait les moules, à Fos, derrière la digue de la Grande Plage. Pour moi, mon travail, c’était de prendre des crevettes dans les trous des rochers : papa m’avait fabriqué, avec un bout de bois auquel on attachait un morceau de viande, un appât extra, les crevettes venaient manger et avec ma petite épuisette, je n’avais qu’à attraper ma pêche, ça, quand les crevettes voulaient bien rester tranquilles, car il en sautait autant sinon plus que je n’en attrapais. Ma terreur, c’est quand un gros crabe poilu, un « fioupelan » arrivait, attiré par la viande. Alors je criais au secours et papa prenait ma place. Il avait, au grand désespoir de maman, aplati une fourchette et l’avait attachée à un manche à balai. Quand le crabe mangeait l’appât, lui, d’un coup sec, il le harponnait, et tout le monde venait voir sa prise, tonton Jean cassait les énormes pinces et tout ça faisait des soupes de poissons que les femmes préparaient bien à l’abri derrière la digue. J’étais bien petite, mais ces dimanches d’été à la mer étaient merveilleux. Papa avait fait une table en bois qui ressemblait un peu à nos tables de camping rouges, les pieds se repliaient à l’intérieur, les pliants étaient aussi en bois, avec leur toile bariolée, sans dossier, bien sûr, mais c’étaient de beaux dimanches.
Puis papa chantait Le Petit Nohomme (?)
Quand je me promène sur les boulevards, j’attire les regards,
Faut me voir sauter gambiller, chahuter avec mes pieds…
Ou bien, en s’adressant à Léa
Je pense à vous quand je m’éveille et de loin je vous suis des yeux,
Je vous revois quand je sommeille dans un rêve mystérieux… Ecouter
Puis tantine Lo répondait avec
Du gris que l’on prend dans ses doigts et qu’on roule,
C’est fort, ça brule comme du bois, ça vous saoule… Ecouter
Je ne me souviens plus de la suite, mais par contre, je revois ma petite maman se faire encore plus petite car tonton Jean finissait toujours par dire « Léa, à vous (ils ne se sont jamais tutoyés), à vous, chantez-nous Champied Tordu » Maman ne voulait pas, mais entonnait à la fin d’une petite voix tremblante
On m’appelle Champied tordu, je suis laid et je fais rire,
Sur ma face de bossu, mes larmes font sourire,
Je ne suis qu’un souffrOe-douleur, un gars sans foyer, sans famille,
Et pourtant sous mes guenilles, pour aimer je possède un cœur.
On n’a jamais pu savoir la suite, car à ce moment-là, tonton disait « Vous allez voir, Léa, vous allez pleurer » et ça finissait dans un torrent de larmes, et je pleurais aussi, tandis que, du côté de papa, tonton et tantine, c’étaient des larmes de rire ! Je ne me souviens pas qu’elle ait jamais terminé cette chanson, Et moi, bien sûr, je finissais debout sur la table, et tonton me faisait chanter de chansons de Chevalier ou de la Miss (Mistinguette), je n’avais guère plus de 3 ans, mais poussée par tonton, je me donnais en spectacle, et même sur les guéridons de bistrot, à chanter des chansons dont je ne comprenais pas grand-chose, mais dont je me souviens maintenant.
Chez grand-père Pianezzi, par contre, le repas finissait toujours par des chansons. Papa chantait l’air de la calomnie ou Le cor « J’aime le son du cor, le soir au fond des bois », tonton entonnait des chansons de Gadzarts, ou bien, ils chantaient, tous deux les bras passés à l’envers dans leur veste, le duo de Figaro et du Comte Almaviva, à deux voix et à quatre mains. C’étaient là des rires à n’en plus finir.
Marcel et Jean Pelen
Repas de famille...
A la mer
Léa, ? Marcel, Laurence et ???