Momon Maguy Chayne Sporting-Club Salonais Rugby Salon
Momon et Maguy Si loin, si proches
L'occupation
Puis Septembre 42 est arrivé, et les boches avec leur tenue vert de gris, mais on les a bien feintés tout de même, on faisait simplement un peu plus attention. Le ravitaillement, les bals clandestins dans les remises où un accordéoniste nous servait d’orchestre, le dimanche après-midi seulement, je ne suis jamais sortie le soir après souper, sauf pour aller à l’eau où je retrouvais Paul, avant le couvre-feu de dix heures. De toute façon, dès que la nuit tombait, maman tenait sa nichée sous son aile, maman était merveilleuse en tous points. Papa, lui, avait toutes sortes d’occupations, il partait le soir pour des réunions secrètes que maman pensait extra-conjugales, ce en quoi elle se trompait, j’en suis sûre, surtout à partir de 42. Puis Paul est parti aux chantiers de jeunesse, Poligny, puis Le Luc, puis Garon, on s’écrivait tous les jours, mais il me semble que ça a passé vite. C’est vers cette époque que papa m’a envoyé, une à deux fois par semaine à Salon, porter un paquet camouflé sur le porte-bagages de mon vélo, chez Mr Mollard, garagiste vers St Laurent. Celui-ci me donnait en échange un autre paquet. Le soir, je dormais chez tonton Jean et tantine Lo, et le lendemain, je revenais à Lambesc avec mon mystérieux paquet. Je n’ai su qu’après la guerre que Mr Mollard était un chef de la Résistance, mais je ne saurai jamais au juste ce que je venais lui porter, du tabac, disait papa.
Paul est revenu en Octobre 43, et nous avons célébré nos fiançailles en Novembre, un soir, les vitres tendues de tissus bleu. Nous n’étions pas bien nombreux, nous avons ri et chanté, Paul s’est déguisé, casquette, foulard rouge noué autour du cou, il a chanté « C’est un mauvais garçon, il a des façons… » et moi « Mon grand »
Plus tard, on nous a dit qu’on n’aurait pas dû chanter tous les deux, mais on ne faisait que ça malgré la vie de plus en plus dure, surveillée et dangereuse. Et Paul a été appelé pour le STO, aller travailler en Allemagne, et pour éviter ça, tonton l’a fait embaucher dans une entreprise ici à Salon, il venait le matin, avec un groupe de quatre ou cinq autres jeunes, et il rentrait le soir.
Vous le voyez, notre principale occupation, c’était de survivre, jusqu’à ce que Londres nous promettait depuis des années, le débarquement et la défaite des boches. On voyait passer, très haut dans le ciel, des avions de plus en plus nombreux, des forteresses volantes qui allaient bombarder les allemands de temps en temps, c’était la base à Salon, ou Arles, les ponts sur le Rhône. On n’avait pas vraiment très peur, on montait vite sur Berthoire, pour mieux voir où ça pouvait tomber. Pourtant, les allemands étaient de partout, ils avaient creusé de grandes tranchées sur la colline, où ils avaient camouflé des tanks et des canons anti-aériens mais on n’y prenait moins garde car les SS étaient partis pour la Russie depuis déjà longtemps. Ceux-là, j’en avais peur, mais ceux qui restaient début 44 étaient vieux, et pour nous qui avions vingt as, ils n’étaient pas du tout impressionnants, ce en quoi on avait tort, car, on l’a su plus tard, bien renseignés par de « bons français » qui nous surveillaient, ils se sont avérés les pires ennemis.
Le soir, tous autour du poste de radio, on écoutait « Ici Londres, les français parlent aux français », avec les messages « François mange avec nous » ou « Les carottes sont cuites » ou tant d’autres. Pour nous ça ne voulait rien dire, du moins, je le croyais, mais c’était la voix d’une France qui nous permettait de vivre ce cauchemar dans l’attente… de quoi, j’étais loin de m’en douter. Papa partait de plus en plus souvent le soir, il nous faisait faire des gerbes de fleurs qu’on retrouvait le lendemain au Monument aux Morts, ça se faisait de nuit, car il était interdit de de fleurir les morts de 14/18. Beaucoup de choses, d’ailleurs, nous étaient interdites, pas de groupes de plus de quatre personnes, les papiers d’identité toujours sur nous, à cause des contrôles incessants : sur ces cartes, nos photos étaient de profil, je n’ai su que plus tard que, de profil, le « nez juif » ne passait pas inaperçu.
Pour nous, les jeunes, l’espoir de voir partir les occupants nous faisait prendre tout ça en riant, mais papa, maman et grand-père surtout, qui sortait, vingt ans à peine, de la guerre de 14, étaient soucieux. Nous pas, nous faisions beaucoup de vélo, on partait à six, pas plus, mon amie Raymonde et Georges Borel son fiancé (il avait un tandem, il venait seul de Salon et prenait Raymonde à la maison), André et Gilberte, qu’on a toujours appelée Gilou, Paul et moi. On allait se baigner à la Clapusse, ce n’était pas St Trop, mais que de rires dans ce ruisseau que toi, Annie, tu as connu. Ou alors, on allait aux champignons, ou en douce, on venait au cinéma à Salon, à la première séance. Comme c’était permanent, on rentrait et on sortait quand on voulait, si le film était bon, on le regardait deux fois pour le même prix.
Juillet 43
Lea Marcel et leurs amis Armand
Juillet 43
Maguy et Maguy Ripert son amie
Le bain à Clapusse