Momon Maguy Chayne Sporting-Club Salonais Rugby Salon
Momon et Maguy Si loin, si proches
La guerre, avant l'occupation
Peu à peu, la vie s’organisait. Papa, charron de nouveau, travaillait pour les paysans : Pas de patates, pas de haricots, pas de blé, pas de charrette ! Maman, de son côté se faisait aussi payer son travail par du lait, du beurre, des fruits, des légumes, c’était ça ou rien, et les coquettes avaient encore besoin d’elle. Paul, de son côté, avec son métier, était bien placé aussi, mais combien de fois le soir, je l’ai vu arriver à la maison en faisant : »Rou! Rou! Rou ! Devine ce que j’ai mangé à midi ? Des pesottes ! » Les pesottes étaient des graines que l’on donnait avant aux pigeons, il en riait et moi avec, car Paul était la joie de vivre, mais pour nourrir son mètre quatre-vingt-cinq, il en fallait !
Même si maman a beaucoup pleuré de peur qu’on ne mange pas à notre faim, c’est une époque où nous avons beaucoup ri. Paul adorait faire la sieste dans le cercueil qu’il était en train de faire, combien de fois je l’ai cherché, chez lui, dans le café, puis dans l’atelier, où d’un coup, il poussait le couvercle mis à moitié « Coucou ! Je fais le mort » et de partir de son grand rire sur ses dents superbes. Puis, on partait aux truffes, aux champignons, au thym, selon la saison, et les soirs d’été, à la levée des perdreaux. C’était un grand et bon chasseur, mais depuis 41, il n’y avait plus un seul fusil, plus de chasse, mais il m’emmenait tout de même faire la levée des perdreaux qui s’envolaient avec un bruit que je trouvais effrayant « Tu verras, après la guerre, les chasses qu’on va faire »…
Carnet de rationnement de Maguy
Et puis, tous les samedis, on allait au « Petit St Paul », sur la route de Rognes, où un paysan berger, un ami de papa, nous vendait un mouton tout découpé que l’on partageait entre trois familles : les Serre, les Robin et nous. Les gigots et le reste tournaient chaque semaine, une fois les uns, une fois les autres. On avait, bien sûr, les cartes de rationnement, j’en ai encore dans une enveloppe, mais c’était une misère, aussi, le samedi, avec Paul, on faisait le pain de la semaine avec la farine du blé que papa et Mr Robin échangeaient contre leur travail. Le gars qui nous faisait la farine était un illuminé génial, surnommé « Arts et Métiers », son atelier ressemblait à une usine qu’on aurait construite avec du fil de fer, des roues de vélo, des courroies et je ne sais quoi. Il mettait le blé dans un entonnoir énorme et il tournait à la main une grosse roue, et la farine sortait d’un côté, le son de l’autre, et après avoir tamisé tout ça, il nous restait une farine bien blanche dont on faisait de magnifiques petits pains dans le four de la cuisinière. Plus tard, comme maman travaillait pour Mme Gastaldi la femme du meunier, c’est chez eux qu’on a monté notre blé, c’était plus facile.
Tous les dimanches matin, on faisait les raviolis avec Paul chez les Robin, il les aurait presque mangés crus tellement il aimait ça, et ça usinait, vous pouvez me croire, on tuait une poule, un poulet, un lapin, n’importe quoi et c’était gala ! Mais les autres jours, il fallait que les rations améliorées suffisent. On n’a jamais fait de marché noir, seulement du troc, de la bouffe contre du travail. Même Paul et Mr Robin, qui faisaient plus de cercueils que de portes ou de fenêtres, échangeaient leur travail contre du ravitaillement.
Maguy en bas au centre, Jeannette à cheval (années 40)