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Momon et Maguy    Si loin, si proches

  

Alexandre JEAN, mon grand-père



          Alexandre JEAN, dit « Jeannet Babille » était craint mais respecté par tout le monde, sa famille, ses amis et les autres. Je revois toujours sa silhouette : Lorsqu’il ne travaillait pas, il était vêtu d’un costume noir, chemise blanche, avec autour du cou, la ganse provençale faite d’un étroit ruban noir, et coiffé d’un chapeau rond et noir, avec de larges bords. Il avait bien l’aspect du gentilhomme provençal qu’il était.

Il avait une voix de stentor, et il n’était pas rare de l’entendre parler d’un bout du champ à l’autre, ce qui fait qu’il semblait toujours prêt à se battre avec son interlocuteur, alors qu’il lui parlait placidement.

C’était mon parrain et je crois qu’il m’aimait bien, j’étais, je crois, le seul de ses petits-enfants à être un peu considéré : Il discutait avec moi, il me racontait des anecdotes de sa vie et de sa jeunesse, et il prenait le temps de m’expliquer les choses. C’est une chose que nous, grands-parents d’aujourd’hui, nous ne savons plus faire, les petits-enfants non plus ne savent plus écouter, sans doute à cause de la vie trépidante qu’on nous fait mener. Au temps de mon enfance ou de mon adolescence, ni la télévision ni les jeux électroniques n’existaient, ce qui fait que nous étions plus réceptifs aux contes de nos aïeux ou aux histoires qu’ils avaient vécu dans leur jeunesse.  Les fils de ces narrations se renouent dans ma mémoire, pour vous transmettre un peu de ces conversations entendues et réentendues, ces histoires qui semblent incroyables aujourd’hui et qui pourtant sont vraies.


En voici une : Mon grand-père était viscéralement anticlérical, et un fervent adepte de cette république toute nouvelle qui essayait avec difficulté de se dégager du carcan de l’Eglise, c’était une chose assez mal vue à l’époque dans une petite ville. Un Dimanche après-midi, se promenant sur le Cours avec ses amis venus comme lui de la Crau, il se trouva nez à nez avec une procession qui venait de L’Eglise St Laurent pour rejoindre celle de St Michel. Alexandre ayant gardé son chapeau sur la tête à son passage, le curé eut la malencontreuse idée de gifler mon grand-père et d’envoyer son chapeau à terre. Il n’eut pas le temps de réfléchir à ce qu’il venait de faire, car il reçut en retour quelques coups de poings et de tête bien ajustés. Cela créa la panique, le dais et le saint furent renversés et piétinés par les anticléricaux, les femmes pleuraient ou criaient, bref, la procession tourna en eau de boudin. Je revois encore Jeannet, avec un sourire malicieux dans les yeux, me dire dans le beau provençal que je regrette de ne pas savoir écrire : » Eh bien, mon petit, depuis ce jour-là, il n’y a plus eu de procession dans Salon d’une église à l’autre ». Et c’était vrai !


Son caractère n’était pas souple, il ne pliait jamais devant la contrainte. Voici une autre anecdote : Cela se passait après l’armistice de 40, en 41 ou 42, je ne me souviens plus, en tout cas, il vivait chez nous pour une période de  six mois, chacun de ses enfants le prenant à tour de rôle. C’était un 11 Novembre, jour anniversaire de l’Armistice, je me souviens qu’il faisait beau et froid. Nous habitions rue Eugène Piron, tout près de la place Gambetta sur laquelle s’élève le monument aux Morts de la guerre de 70, monument qui subsiste toujours. Il prenait le soleil contre la grille, assis sur la marche de trottoir qui courait autour, et il attendait le défilé commémoratif annuel, drapeaux en tête, enfants des écoles et anciens combattants, associations diverses. Je n’avais pas rejoint mon école, comptant prendre le défilé au vol sur la place, et j’ai donc assisté à toute la scène. A l’approche du fameux défilé, mon grand-père, toujours assis est interpelé rudement par deux agents de police qui lui ordonnent de déguerpir de sa place, car il gênait le passage du cortège. Aucune réponse ni mouvement de sa part. Les deux pandores font alors mine de vouloir l’évacuer manu militari, alors là, les enfants, quelle dispute ! Le voilà qui se redresse comme un ressort, sa canne haut levée, en criant et menaçant les agents de sa voix tonnante, leur disant que celui qui le ferait partir n’était pas encore né, que lui avait contribué à cette République symbolisée par le monument, qu’il s’était battu pour elle et un flot de paroles plus ou moins agréables aux oreilles des représentants de l’ordre qui n’insistèrent pas et le laissèrent se rassoir en toute tranquillité. A l’arrivée du cortège, il se redressa, se retira de quelques pas et assista, au garde à vous et chapeau à la main, au passage du cortège et à toute la durée de la cérémonie.

Bien qu’il n’ait pas fait de guerre, il était un ancien combattant car il avait participé à la conquête de Madagascar qui fut une colonie française jusqu’en 1958. Il fallait le voir et l’entendre évoquer ses souvenirs, les combats contre les guerriers farouches de la Reine Ranavalo, le passage de son bateau par le canal de Suez, on s’y serait cru !


Tel était mon grand-père Jeannet, qui m’aimait, j’en suis persuadé, car il me parlait souvent, me donnait des explications sur tout. Il faut dire qu’il était un touche-à-tout, un poète félibre de langue d’oc, témoins les vers qui figurent sur le fronton de son tombeau au cimetière Saint Roch à Salon. Il a poursuivi toute sa vie une chimère, celle d’inventer le mouvement perpétuel ; il avait construit à cet effet une énorme machine, faite de planches, de chevrons, de roues et divers objets qui n’eurent de perpétuel que le nom.

Avec le recul du temps, je regrette de ne pas l’avoir plus écouté, plus questionné, sur tous les actes de sa vie et sur bien d’autres choses. Mais à ce moment-là, j’étais jeune et donc insouciant et toutes ces conversations me passaient bien au-dessus de la casquette : Jeunesse, si tu savais… Un regret aussi, c’est qu’au moment de sa mort, mes parents n’aient pas eu un peu d’argent de côté pour qu’au moment de sa succession, nous puissions acquérir même un lambeau de son héritage afin de perpétuer son souvenir.