Momon Maguy Chayne Sporting-Club Salonais Rugby Salon
Momon et Maguy Si loin, si proches
Une jeunesse sous l'occupation (Suite)
Mais heureusement, j’avais Guitte.
Ses parents étaient bourguignons, son père, que je n’ai pas connu, avait fini retraité de l’armée, sa mère était en quelque sorte concierge aux Vergers de Provence, elle avait des frères, nombreux car son père avait été marié deux fois et avait des fils des deux lits, et une sœur gentille et charmante, Madeleine, que je revois toujours avec plaisir cinquante ans après, et qui regrette toujours que je ne sois pas devenu son beau-frère.
Je l’avais connue à la Société générale où elle était rentrée quelques temps après moi comme sténodactylo au service du portefeuille, ça ne pouvait mieux tomber. Nous avons sympathisé tout de suite, je lui expliquais ce qu’il fallait faire ou ne pas faire pour être tranquille, et petit à petit, de l’amitié, nous avons passé à l’amour. Elle habitait vieille route de Pélissanne, dans l’impasse des Vergers de Provence, qui avait le privilège de n’être pas beaucoup éclairé, et, dans l’ombre, nous avions beau jeu à fricoter et à nous faire des confidences lorsque je la raccompagnais chez elle le soir après le boulot.
Quelques temps après, je fus sommé par Madeleine de bien vouloir faire mon entrée dans leur maison, car sans cela, plus question de la raccompagner ! Je m’empressais d’accepter pour ne pas interrompre nos amours.
Le soir, nous nous promenions un peu sur le Cours, avec nos copains du travail, Robert Aillaud, Jeannette Ricard ou Lucienne Giraud, pour ne pas laisser penser que nous nous fréquentions. Pour s’en séparer, nous faisions mine de rentrer chacun chez nous, mais nous nous retrouvions dans le boulevard des Capucins et rentrions ensemble chez elle. Le secret ne fut gardé que quelques semaines avant de devenir celui de Polichinelle, et Guitte fut acceptée par tout le monde et vint dans notre bande se mêler à nos élans de jeunesse. J’avais été adopté par sa famille, et j’en faisais désormais partie. Bien souvent, nous partions en vélo tous les deux nous allions essayer d’apitoyer quelques paysans du côté de Charleval, Mallemort ou La Roque d’Anthéron, afin qu’il nous vende quelques kilos de pomme de terre ou de haricots secs. Ma plus belle affaire fut de faire presque pleurer une fermière qui me remit, à un prix très raisonnable quinze kilos de haricots ! En ces temps de restriction, notre principal souci était de pouvoir manger, saleté d’occupation et de guerre, mais enfin, nous avons survécu, la preuve !...
Puis, la sœur de Guitte s’est mariée avec le directeur des Vergers de Provence, et Guitte a quitté la Société Générale pour prendre la place de sa sœur aux Vergers. Du coup, tout changea, nous n’étions plus ensemble, nos rencontres se firent plus rares, nos relations se relâchèrent. Ce n’était plus du tout pareil, et petit à petit, nous nous sommes éloignés l’un de l’autre, avant de rompre définitivement. Sur le moment, je fus sincèrement malheureux, car je l’aimais beaucoup, et puis, au fil du temps, comme dit la chanson « Avec le temps, va, tout s’en va… » et c’est bien vrai. Malgré tout la vie a continué et c’est très bien ainsi.
Depuis, je ne l’avais revue que deux fois, mais de loin, sans pouvoir lui parler, notre rupture datait de 1946, je savais qu’elle habitait Saint-Rémy de Provence, mariée avec le frère du mari de Madeleine, et qu’elle avait des enfants. Et puis, tous les anciens copains, nous avons décidé de reprendre contact et de nous réunir pour faire ensemble un bon repas annuel. C’est ainsi que je l’ai revue en 1991, soit quarante-cinq ans après. A notre amicale bise de retrouvailles, je n’ai pas osé la regarder dans les yeux, peut-être y aurai-je vu bien des choses. Ainsi va la vie….
Momon et Guitte
Le temps des copains