Momon Maguy Chayne Sporting-Club Salonais Rugby Salon
Momon et Maguy Si loin, si proches
A la Société générale
Le 20 Juillet 1942, à huit heures du matin, après avoir été reçu par Mr Roques, le chef du personnel, qui me fit connaître le secret professionnel et tous les petits trucs de déontologie de l’employé de banque, je fus affecté à la comptabilité, avec pour chef de service Mr Montmayeur : Il y avait là sa femme, Mr Valérian, Charles Honoré et un ou deux autres employés dont je ne me souviens plus. Mon travail consistait à faire des additions sur des colonnes de nombres figurant sur des livres hauts comme ceux qu’on voit sur les autels des églises. Ensuite, il fallait s’ajuster et ce n’était pas une mince affaire, car nous n’avions aucune machine à calculer, c’était long et difficile. Ensuite, il fallait s’occuper du courrier, préparer les enveloppes, écrire les adresses, mattre les bordereaux dedans, les coller et les timbrer : Tout cela était barbant, mais quand même plus agréable que l’école, surtout que nous étiuons payés pour cela ! A ce sujet, il faut dire que ma paye avait été amputée de quelques francs, pas du tout par discrimination, mais je n’avais pas le Brevet Elémentaire, alors…
Notre travail consistait à faire, toujours à la main, les bordereaux de remise des chèques que nous amenaient les clients, afin de les porter à leur compte après encaissement, nous décomptions aussi les effets de commerce, soit à l’escompte pour les clients qui avaient besoin d’argent, soit à l’encaissement pour ceux qui n’en avaient pas besoin. Ce boulot semblait ennuyeux, mais il était plus distrayant que celui de la comptabilité, d’autant plus que le service était jeune, tout était sujet à la rigolade, et nous en profitions, quitte à nous faire remonter les bretelles par Mr Roques, le chef de bureau, que nous appelions Léon : Il nous surveillait par-dessus ses lunettes, ce qui nous faisait bien rire. Le plus mauvais jour était le samedi, car ne travaillant pas l’après-midi, il fallait faire en une matinée le travail de la journée. D’autant plus que le vendredi, les « démarcheurs » nous avaient abreuvés de chèques et d’effets à enregistrer. Les démarcheurs étaient des employés comme nous, qui allaient tenir les bureaux des petits villages alentour et visiter les clients une fois par semaine : Charleval, La Roque d’Anthéron, etc… et qui nous amenaient tout ça le vendredi soir. Bref, tout était à faire avant samedi midi, car nous ne voulions pas travailler l’après-midi et faire ainsi des heures supplémentaires non payées. On appelait ça faire la semaine anglaise.
Au personnel que j’ai déjà cité s’ajoutaient Jeannette Ricard, qui, bien qu’elle ait eu tout ce qu’il faut pour rendre un homme heureux, a fini vieille fille, dommage ! Et aussi Mme Fauvel, dont le mari était prisonnier de guerre, Mme Seuil et son mari, démarcheur, tout comme Raymond Robert, anvcien prisonnier libéré pour raison sanitaire, Francion Rampal, employé polyvalent désigné pour faire les remplacements dans tous les services, Chabaud, ancien chef du portefeuille, qui partit avant moi. Au service des visas, il y avait aussi Mr Granier et Mr Bernière, le caissier Carnus, qui fut obligé de démissionner suite à un magouillage auquel il était totalement étranger : Il fut remplacé par Victor Berthon, dont la fille a pris ma suite à la comptabilité lorsque j’ai changé de service, et quantité d’autres personnes, par exemple Lucienne Giraud aux titres et coupons, la belle Mme Pluton au standard sans oublier Guitte Bochot qui était secrétaire au service du portefeuille, et que j’ai eu le privilège de cotoyer quelques temps, mais ceci est une autre histoire. Et puis d’autres, plus ou moins flous dans mon souvenir, qui ne m’ont pas vraiment marqué.
La Société Générale
Dans le service, l’ambiance n’était pas bonne, à part Charles Honoré, c’étaient tous des vieux revêches et pas sympas, qui nous prenaient pour leurs larbins. Honoré, lui, était plus jeune, il aimait s’amuser, le boulot terminé, c’était un ancien joueur de foot au CASG, le club d’avant-guerre de la Société Générale qui avait été dissous ; il connaissait très bien mon oncle Marius qui jouait au SCS et nous parlions très souvent sport. L’ambiance n’était pas bonne non plus entre les services, tout le monde jalousait tout le monde, et je fus content d’être admis à m’occuper des archives avec Fernand Savoye, Raymond Robert et quelques autres. Ces archives, put..n, c’étaient des papiers de trente ans et plus que l’on avait gardés, mais la prescription étant arrivée, il fallait trier nettoyer et jeter ou détruire ce qui n’avait plus cours. Comme vous devez l’imaginer, nous étions peinards dans la cave, aussi, nous avons fait durer le plaisir pendant quelques semaines, travail qui nous a valu une prime de 1000 francs, une aubaine pour nous, car il nous fallait plus d’un mois pour gagner cette somme.
Au bout d’un an, je fus titularisé et changé de service, dorénavant, j’étais au Portefeuille, avec de nouvelles personnes, plus sympathiques que celles de la comptabilité. La chef de service, Melle Augusta Poulet, une demoiselle sur le retour, sympa, prenait notre défense lors d’une bêtise que nous avions faite, en disant que tout le service était concerné et responsable, contrairement aux autres chefs de service, qui avaient l’habitude de tirer la couverture à eux pour se faire bien voir de nos chefs. Dans la nostalgie du temps passé, cinquante ans plus tard, je n’évoque jamais la Société Générale sans penser à Tata Poulet. Dans ce service, j’ai aussi connu Robert Aillaud, qui est parti à Paris après la Libération, comme styliste de mode et dessinateur. Je le retrouverai beaucoup plus tard, au restaurant de mon beau-frère, buvant beaucoup, devenu pochard et pédophile. J’ai retrouvé aussi Fernand Savoye, un peu plus âgé que moi, mais que j’avais connu à l’école : Il devait s’en aller avant moi, son père étant cheminot, il opta pour la SNCF. Autre membre du service, Mme Ratto, que nous appelions « Ratoune », jeune veuve à l’époque, c’était la mécanographe, toujours affable, gentille et souriante, que je rencontre toujours avec plaisir cinquante ans après.
Bien avant Momon!